De la radicalité en (écologie) politique – partie 2 – Les radicalités sont-elles mobilisatrices ?

Si l’on part du principe que l’engagement dans un parti politique a pour objectif d’amener ses idées au pouvoir, alors il faut trouver un chemin pour y parvenir. De ce point de vue, la course aux postures de radicalité à gauche présente de réelles limites. Surtout dans le moment actuel, où les écologistes et la gauche perdent la bataille culturelle dans l’opinion publique. Ce sont bien les forces réactionnaires de droite et d’extrême-droite qui sont en dynamique. Attaques sur les services publics, désignation de bouc-émissaires accusés de tous les maux de la société (les musulman.e.s, les immigré.e.s en particulier), reculs massifs sur la protection de l’environnement : voilà le visage que prend chaque jour l’agenda politique réactionnaire. Les droites gouvernent tant bien que mal, et les forces progressistes en sont réduites à tenter de préserver des conquêtes sociales et environnementales acquises de haute lutte par le passé, plutôt qu’à avancer vers de nouvelles victoires. Comment inverser la tendance ?

Faire bouger les lignes de la tripartition électorale actuelle

Le contexte politique actuel se caractérise par une tripartition électorale, maintes fois commentée par les spécialistes, et qui se matérialise notamment à l’Assemblée Nationale. Trois blocs se font face : un bloc de gauche écologiste, un bloc centriste – qui relève en réalité plutôt de ce que l’historien Pierre Serna appelle « l’extrême-centre », nous y reviendrons dans un instant – et un bloc d’extrême-droite constitué par le Rassemblement National et ses alliés.

Conséquence de cette tripartition : une impossibilité à trouver des majorités. Cette situation inédite provoque d’ailleurs chez les françaises et français un sentiment profond de défiance politique, jamais vu auparavant, selon les politistes Bruno Cautrès et Anne Muxel, dans leur ouvrage Le vote sans issues. Tout semble en effet bloqué, jusqu’à l’adoption de la moindre mesure sectorielle à l’Assemblée Nationale. Les responsables politiques en sont réduits au niveau national à enchaîner les postures et les coups d’éclats pour avoir leur quart d’heure de gloire sur les réseaux sociaux et tenter de grapiller quelques points dans les sondages.

Cette impasse incombe largement au Président Macron, qui a pris seul contre tous une décision de dissolution en juin 2024 que personne n’a comprise, et dont les conséquences politiques sont dévastatrices. Il est, avec son parti et ses alliés, l’incarnation d’un courant « d’extrême-centre », que l’historien Pierre Serna définit comme se revendiquant centriste sur la forme, tout en étant extrême sur le fond, du fait de l’intolérance dont il fait preuve à l’égard des aspirations populaires, de son non respect du pluralisme des idées, et de son usage d’un pouvoir exécutif fort pour passer en force. L’épisode de la répression des mobilisations contre la réforme des retraites en est une des illustrations majeures.

Dans ce paysage politique fermé, l’enjeu pour la gauche écologiste est de trouver un chemin pour élargir son socle électoral, car en restant à moins d’un tiers des votants, seuil historiquement bas, elle n’a aucune chance d’accéder au pouvoir pour mettre en place des politiques qui améliorent la vie des gens.

Lire la suite

De la radicalité en (écologie) politique – partie 1 – La radicalité floue des mots-obus

Déjà dix jours se sont écoulés depuis le clap de fin du congrès des écologistes ! Ce fut une période intense pour toutes celles et tous ceux qui y ont activement participé. J’en garderai de nombreux souvenirs, notamment celui de la solidarité et de la bonne humeur au sein d’une magnifique équipe, celle de Faire Gagner l’Écologie, la sensibilité à laquelle j’appartiens.

Les mots-obus ne font pas une ligne politique

Tout au long de ce congrès, dans un contexte difficile, lié à la fois à des nouvelles règles bien trop complexes, et au fait que notre groupe s’est créé il y a seulement quelques mois, sans personnalités très identifiées par l’opinion publique, nous n’avons cessé de défendre une ligne politique claire. Celle d’une écologie de gouvernement, désireuse d’être ambitieuse et crédible sur tous les sujets qui touchent à la fois à la marche du monde et au quotidien des françaises et français. Ce positionnement, qui nous a amené à aborder des thèmes peu mis en avant par les écologistes, comme les sujets régaliens, nous a régulièrement valu certaines caricatures. Et je voudrais y revenir ici un instant, car il me semble justement que ces caricatures disent quelque chose d’important sur le chemin minoritaire que prend la gauche ces dernières années.

Lire la suite

Dire adieu à ses maîtres

Ces derniers jours, deux grands économistes nous ont quitté. Edwin Le Héron le 23 avril. Michel Aglietta le 24 avril. Leur départ m’emplit de tristesse, quand bien même je ne les connaissais pas personnellement. Car ils font partie de ceux qu’on appelle « les maîtres » dans une vie. Ces personnalités que nous avons la chance de croiser, et qui nous inspirent profondément. Ils sèment en nous des idées, voire des vocations, qui orientent nos existences.

Je n’ai malheureusement pas eu de maître en politique. J’aurais adoré pourtant. Mais en économie, oui.

Edwin Le Héron fut mon professeur à Sciences Po Bordeaux. Comme beaucoup d’étudiantes et d’étudiants, j’ai été marqué par ses cours. Avec lui, l’économie prenait un tour stimulant et engagé. Haut représentant d’un courant très minoritaire de la pensée économique, le post-keynésianisme, il m’a ouvert des champs nouveaux de la connaissance. Dans le plus pur esprit de Keynes sans doute, comme lui brillant dandy, il développait devant nous toute la richesse d’une économie qui entend réguler l’instabilité inhérente au capitalisme. Notamment via la politique monétaire, un des domaines à mes yeux les plus complexes de la science économique, ce qui rendait d’autant plus fascinant ses explications qui nous éclairaient autant qu’elles nous faisaient mesurer l’ampleur de notre ignorance. Costumes stylés et petites lunettes rondes, il savait accueillir nos questions d’apprentis avec bienveillance, et je n’oublierai jamais quand à la fin d’un cours où j’étais venu le voir pour lui demander des conseils de lecture, il me conduisit jusqu’à son bureau pour me donner le manuel de l’économie post-keynésienne, de Marc Lavoie. Ce livre ne m’a pas quitté dans mon parcours d’enseignant, et est toujours dans ma bibliothèque aujourd’hui.

Michel Aglietta ne fut lui pas mon professeur, mais je suis demeuré un de ses lecteurs assidus. C’est en préparant l’agrégation que je l’ai lu le plus intensément, et je me souviens avoir mis un point d’honneur à le citer dans la dissertation d’économie de mon concours. Il demeure une forme de figure tutélaire à mes yeux, une référence d’une macro-économie à la française qui fait autorité au plan international : l’école de la régulation. Pensée minoritaire elle aussi. Pensée régulatrice bien-sûr. Une évidence pour ceux qui, en économie, veulent combiner la pensée et l’action politique de gauche. Et puis un après-midi, j’eu l’immense honneur de pouvoir l’interviewer dans le cadre d’un podcast pour le groupe de réflexion que j’ai lancé en 2021 avec quelques amis : Écologie et République. Sujet : la planification écologique ! Evidemment. Michel Aglietta fit partie dans sa jeunesse de ces artisans de la planification qui durant les Trente Glorieuses voulaient s’appuyer sur l’Etat pour moderniser la France afin de la rendre plus forte et plus juste. Le même défi est aujourd’hui devant nous : mettre la puissance publique au coeur du développement d’une économie d’intérêt général, où l’écologie devient le nouvel enjeu existentiel.

J’aurai toute ma vie une dette intellectuelle vis à vis d’eux deux. Qu’il me soit donc permis de les remercier du fond du coeur.

Économie circulaire : ma contribution pour la revue « La Grande Conversation »

La loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC) ambitionne d’amorcer une transformation de notre modèle de production et de consommation en s’attaquant notamment aux emballages plastiques à usage unique, dont la disparition est prévue d’ici 2040.

Pour La Grande Conversation, je reviens sur sa mise en pratique à Paris, en pointant également ses limites : la loi AGEC à Paris

Défiler vers le haut