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Le Conseil du 14ème arrondissement a adopté le 22 mai 2018 un vœu de notre groupe écologiste relatif à l’apposition d’une plaque commémorative pour les animaux de guerre, au niveau de l’ancien dépôt de remonte et de l’école de dressage des chevaux de guerre, boulevard Jourdan.
Retrouvez ci-dessous mon intervention en séance, et téléchargez le vœu adopté ici : Voeu animaux de guerre
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Mesdames et messieurs du public, cher-e-s collègues,
Je souhaite pour présenter ce vœu m’éloigner un peu du texte formel que vous avez pu lire, pour éclairer sous un nouvel angle la démarche qui a été la nôtre en tant que groupe écologiste, en partenariat avec l’association Paris Animaux Zoopolis. J’espère que ces quelques mots permettront de dissiper des malentendus, de combattre certaines caricatures et surtout de montrer à quel point ce sujet des animaux de guerre pose de nombreuses questions sur les rapports que nous, êtres humains, entretenons avec les animaux, mais plus globalement avec ce que l’on pourrait appeler « le vivant ».
Les animaux mobilisés dans l’effort de guerre
Il y eu du milieu du XIXème siècle à l’entre-deux guerres mondiales, dans notre arrondissement, boulevard Jourdan, le dépôt parisien de remonte et l’école de dressage des chevaux de guerre. C’est là qu’étaient formés les chevaux de guerre avant de partir au combat. On a tendance à l’ignorer, mais les chevaux, comme d’autres animaux, notamment les chiens, les ânes ou encore les pigeons, furent largement mobilisés lors de l’effort de guerre du 1er conflit mondial. À l’époque, la société française était largement paysanne et avait donc des liens très étroits avec les animaux, des liens de dépendance, tant certains animaux étaient indispensables aux humains pour travailler dans les champs et pour se déplacer.
Les animaux sont donc mobilisés comme ressource et force de travail dans la grande guerre, portant dans un certain nombre de cas des matricules, et occupant un rôle précis tel le chien Gaillac : « Gaillac, section d’infirmiers militaires. Né en 1911. Race : berger français des Pyrénées. Nature du dressage : rapporteur. » Comme des milliers d’autres chiens des armées en présence, Gaillac fouille le champ de bataille, de jour comme de nuit, pour localiser les blessés. Quand il en découvre un, il signale sa présence en rapportant à son maître brancardier un objet lui appartenant, puis le conduit jusqu’à lui. D’autres chiens servent d’éclaireurs, de sentinelles qui donnent l’alerte comme Pipot, compagnon apprécié du guetteur isolé en première ligne. Le cheval, lui, est irremplaçable pour tracter de lourds canons, transporter des munitions sur des terrains boueux et défoncés. Au total les historiens estiment que ce sont près de 11 millions d’animaux qui moururent durant les combats de la grande guerre, dont plusieurs centaines de milliers de chiens.
Humains et animaux unis dans les tranchées
Ces animaux, indispensables donc à l’effort de guerre, permirent de sauver de nombreuses vies humaines. Et ce qui est encore plus frappant, lorsque l’on se penche sur certains témoignages de poilus, c’est de constater à quel point les animaux eurent un rôle important de soutien moral aux soldats dans l’enfer des tranchées. On y adopte chien, chat, singe, fouine, sanglier, trouvés ou apportés sur le front. Un soldat écrit : « Mops avait un chat, une gentille petite bête dodue. Elle partageait la ration de son nouveau maître et montait jalousement la garde auprès de son barda quand il devait se rendre au front pour quatre jours. » Un autre raconte : « C’est vraiment le paradis des chats ici. Imaginez-vous : des rats et des souris tant qu’ils peuvent en avaler en plus des restes des repas des soldats. Certains sont farouches. D’autres sont habitués à la vie des soldats. Le soir, ils miaulent à la porte des abris, ils y dorment et y mangent avec leurs nouveaux amis. » Sur une photographie, le sous-lieutenant José Orta pose avec son singe devant un avion le 1er octobre 1917. Certains animaux deviennent les mascottes des régiments comme Nancy, la gazelle springbok du 4e régiment d’infanterie qui fut enterré avec les honneurs militaires dans le cimetière d’Hermeton-sur-Meuse en novembre 1918. Car oui, certains animaux furent récompensés, médaillés dans l’ordre militaire, comme le chien Charlot par exemple, Croix de Guerre, qui sauva plusieurs poilus ensevelis dans les tranchées.
Penser l’harmonie entre les êtres vivants
Des distinctions de ce type perdurent d’ailleurs aujourd’hui au sein de l’armée française, comme la médaille d’or de la Défense Nationale, une des plus hautes récompenses militaires de notre pays, attribuée en 2011 au chien Fitas, qui déjoua une embuscade en Afghanistan. En Royaume-Uni, il existe même une médaille attribuée exclusivement aux animaux pour faits de bravoure, la médaille Dickin. Nos voisins d’Outre-Manche sont d’ailleurs particulièrement soucieux d’honorer les animaux de guerre, leur édifiant des monuments, comme celui bien connu de Hyde Park, à Londres. Certains sociologues ou éthologues voyant dans ces gestes la marque d’une culture qui tend davantage à considérer les animaux comme des individualités douées de sensibilité, loin de la conception très cartésienne de Descartes de « l’animal-machine », même si l’on trouve tout de même dans certaines villes de France de petites stèles à la mémoire des animaux.
C’est d’ailleurs sur ce point que je voudrais terminer, en élargissant le débat. Dans nos sociétés hyperindustrialisées du début du 21ème siècle, nous sommes face à un paradoxe. D’un côté, du fait de la machinisation, de la robotisation et de la révolution numérique, nous ne sommes quasiment plus dépendants des animaux comme force de travail. Nous nous croyons ainsi renforcés dans notre place centrale et supérieure au sein du monde vivant, et continuons par nos modes de vie hyper-consommateurs à détruire la biodiversité, n’accordant une réelle attention qu’à certains de nos animaux de compagnie. Pour autant, lorsque certains insectes ou lorsque les abeilles sont menacées d’extinction, nous mesurons à quel point nous sommes dépendants de ces animaux pollinisateurs pour pouvoir manger. Le sort que nous faisons aux animaux reflète notre rapport au vivant, montre l’attention que nous portons à la nature. Aujourd’hui, certaines associations posent la question de la condition animale, et luttent contre les souffrances infligées aux animaux. S’engager contre les abattoirs industriels qui traitent les animaux comme des objets, ou demander l’interdiction des animaux dans les cirques, ce n’est pas seulement porter attention au monde animal, c’est vouloir retrouver une harmonie entre les êtres vivants, c’est montrer du respect pour la nature, dont nous humains, sommes partie prenante.
Il ne s’agit donc pas de mettre humains et animaux « sur le même plan », comme j’ai pu l’entendre de la bouche de certains concernant ce vœu. Simplement de reconnaître une place à ces êtres vivants qui ont participé à l’effort de guerre, qui ont sauvé des vies humaines, qui ont réchauffé des cœurs dans l’enfer des tranchées. De nous poser, humains, en tant qu’espèce responsable des équilibres naturels, soucieuse de préserver notre environnement, sans lequel, de toute façon, nous sommes condamnés à disparaître.
Permettez-moi de terminer par cette citation :
« Aux innombrables animaux qui ont suivi les hommes, ont souffert et ont péri durant les dernières guerres. Avec fidélité et courage, elles ont beaucoup endurées et sont tombées pour nous. Sachons nous souvenir d’elles avec gratitude et affection. Que leurs souffrances et leur mort nous amènent à savoir apporter plus de gentillesse et de respect aux animaux vivants »
Western front association et Souvenir Français