Un article à retrouver aussi sur le site de la Tribune : l’alternative consigne
Depuis les années 1950, le plastique a envahi nos villes et nos océans. À l’origine conçu pour nous simplifier la vie, il est devenu en quelques décennies une véritable menace. À mesure que sa production a explosé, passant de 2 millions de tonnes par an en 1950 à 400 millions de tonnes aujourd’hui, il devient de plus en plus menaçant pour l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, et les écosystèmes dont nous dépendons.
Il faut désormais recentrer notre utilisation du plastique sur ce qui est essentiel : emballages de produits médicaux, composants informatiques, matériaux supports des technologies d’énergie renouvelable, objets usuels par exemple. A Paris, cette transition s’esquisse depuis plusieurs années, et le nombre d’entrepreneur.euse.s qui développent de nouvelles initiatives pour réduire la consommation de plastique à usage unique se développe fortement. Parmi ces initiatives, le développement de la consigne pour le réemploi des emballages est déterminant.
Un dispositif bien connu à généraliser
Le retour de la consigne n’est pas un sujet nouveau. Évoqué dans la feuille de route nationale économie circulaireprésentée par le Premier Ministre en avril 2018 et au cœur des débats parlementaires autour de la loi Anti Gaspillage et Économie Circulaire (loi AGEC), le dispositif est désormais bien connu. Reste à s’en saisir. S’en saisir ? Oui, mais pas n’importe comment. Il faut maintenant accompagner les professionnel.le.s pour enclencher un changement d’échelle, sortir de l’expérimentation pour aller vers une généralisation de la consigne pour le réemploi des emballages.
Dans la capitale, le champ d’action est large : les emballages issus de la restauration à emporter représentent l’un des principaux usages du plastique à usage unique avec 15 tonnes d’emballages par jour. Tous ces contenants, le plus souvent, au mieux, jetés dans des poubelles sur l’espace public quand ils ne sont pas juste laissés à terre, sont aujourd’hui largement incinérés. C’est un gaspillage de ressources considérable, qui doit être diminué par la généralisation de poubelles de tri dans nos rues, afin de développer le recyclage.
Le recyclage n’est pas la solution miracle
Mais pour autant, le développement du recyclage n’est pas à lui seul la solution miracle, puisqu’il ne nous permet pas réellement de lutter contre les effets néfastes de l’explosion du plastique à usage unique. Pourquoi ? En misant uniquement sur le tri et le recyclage des emballages plastiques, nous perdons de vue l’objectif premier qui nous permettra durablement de préserver nos ressources naturelles et notre environnement : la réduction de la production et de notre consommation de matières plastiques. D’abord car le tri n’est aujourd’hui pas encore un réflexe suffisamment partagé, et le plastique occupe encore à Paris 17% du bac vert des ordures ménagères résiduelles, alors que sa place est dans le fameux bac jaune. De plus, les entreprises qui réutilisent des matières plastiques recyclées dans leurs processus de fabrication ne sont pas toujours situées à proximité des centres de tri, mais souvent loin de la région parisienne et parfois à l’autre de bout de l’Europe. Cela implique une logistique de transport longue et donc polluante pour acheminer ces matières premières recyclées à bon port.
Mais surtout, le plastique reste un matériau difficile à recycler et à réincorporer dans les chaînes de production. Lorsqu’il est recyclable, dans la plupart des cas, mis à part l’exemple bien connu de la bouteille en PET, seule une faible part de la valeur de la matière peut être réincorporée dans un nouveau produit, en l’état actuel de la technologie. La majorité des plastiques recyclés sont donc transformés dans des applications de moindre valeur et ne sont pas recyclables après usage. Et encore, ces potentialités de recyclages ne concernent qu’une petite partie des matières plastiques : seuls 3 types de plastique sont aujourd’hui recyclables en France.
Les emballages réutilisables, un marché prometteur
Face à cela, le plastique biosourcé et biodégradable, présenté par ses défenseurs comme une réelle alternative, s’est développé, mais reste en réalité une fausse bonne idée. Ils contiennent tout de même du pétrole, leur processus de fabrication est très gourmand en ressources (agriculture intensive, consommation d’eau…), et ils restent finalement, eux aussi, à usage unique. La réduction de nos déchets passe donc par une réduction de leur production à la source avec un bénéfice considérable en matière première, coût pour la collectivité et en propreté sur l’espace public.
Aujourd’hui, alors que nous faisons face à une explosion des déchets plastiques jetables à l’heure où la crise sanitaire a fortement développé le recours à la vente à emporter, il apparaît donc que la consigne pour réemploi n’a jamais été autant adaptée à notre situation. Développée à l’échelle locale et avec des outils de lavage performant, un système de consigne des emballages– une consigne « à l’ancienne » – permettra de réemployer des milliers d’emballages à Paris et de sortir durablement du tout jetable. Car dans ce modèle, les contenants sont fabriqués pour durer. D’ailleurs, certaines chaînes de la grande distribution en ont bien conscience et commencent à se positionner sur ce marché très prometteur.
La nécessité de créer un écosystème
Il nous faut donc structurer cette filière circulaire à l’échelle de Paris et du Grand Paris, en rassemblant toutes les parties prenantes : restaurateur.rice.s, grande distribution, syndicats, industriels et entrepreneur.euse.s de la consigne. La création de cet écosystème permettra de faciliter le maillage du territoire parisien en points de collecte accessibles pour le.la consommateur.rice, renforçant alors l’incitation à recourir à la consigne. Les modèles de logistique urbaine décarbonée pourront par ailleurs se développer à partir de ce maillage, en assurant les transports entre points de vente et points de lavage et de reconditionnement. Il est certain que la croissance de cette filière contribuera fortement à la création d’emplois locaux et non-délocalisables. C’est également une opportunité pour le tissu de l’économie sociale et solidaire, riche en travailleuses et travailleurs désireux de se réinsérer sur le marché du travail dans des métiers d’avenir.
Aujourd’hui, l’économie circulaire à Paris représente près de 70 000 emplois, soit environ 3% du total, générant une valeur ajoutée de 7 milliards d’euros. La structuration de la filière de la consigne est indiscutablement un levier pour augmenter ce poids de l’économie circulaire dans notre tissu productif local. Cette ambition s’inscrit dans un véritable changement de paradigme dans notre manière de concevoir l’économie : repenser la conception des produits pour une utilisation prolongée, se tourner vers la réutilisation et le réemploi, utiliser nos ressources naturelles comme matières premières avec parcimonie et discernement.
Les citoyennes et les citoyens sont prêt.e.s. Les entreprises aussi. Il est temps d’engager le mouvement !