Encore largement méconnue, l’économie sociale et solidaire répond pourtant massivement aux attentes économiques, sociales et environnementales de la population. Mon point de vue dans le journal La Tribune.
Chaque année, le mois de novembre, c’est le mois de l’économie sociale et solidaire (ESS). Partout en France, de nombreux événements sont organisés pour faire connaître les projets des associations, mutuelles, coopératives, fondations, entreprises sociales et structures d’insertion, qui forment le monde de l’ESS. La loi dite « Hamon » de 2014 a pleinement reconnu à cet écosystème ESS une existence juridique. Depuis la sortie des périodes de confinements et couvre-feux successifs liés à la pandémie de Covid19, les articles et reportages fleurissent sur ces modèles économiques alternatifs incarnant le « monde d’après », plus durable et solidaire.
Mais pour autant, l’ESS reste encore largement méconnue des Françaises et Français. C’est un des constats qui ressort du sondage très intéressant commandé par le French Impact à l’institut Harris Interactive, publié le 9 novembre dernier, et intitulé « Les Français et l’économie sociale et solidaire ». De cette enquête d’opinion, il ressort tout d’abord que les Françaises et Français ont un jugement mitigé sur le modèle économique actuel, où l’ESS demeure minoritaire. Ils ne sont pas vraiment convaincus par la capacité de l’économie d’aujourd’hui à créer des emplois durables, à respecter l’environnement, et à faire diminuer les inégalités sociales. Le concept de « l’économie sociale et solidaire » est, quant à lui, plutôt bien connu des Français, puisque les trois quarts d’entre-eux en ont déjà entendu parler, et lui associent des valeurs positives comme la capacité à créer de la cohésion sociale, de l’emploi durable, et à entreprendre de manière plus vertueuse. Mais seulement un tiers de la population est capable d’expliquer plus précisément et concrètement qui sont les acteurs ESS, et ce qui fait leur spécificité.
Des acteurs hétérogènes, une vision commune
Plus que jamais, le grand défi de l’ESS reste donc de se faire mieux connaître. Malgré son histoire plus que centenaire, dont de nombreux historiens situent les véritables prémisses au XIXe siècle avec la création des premières mutuelles et coopératives ouvrières, l’ESS demeure encore trop méconnue. Et ce, alors qu’elle répond pourtant massivement aux attentes économiques, sociales et environnementales de la population. Certes, l’hétérogénéité des acteurs qui constituent l’ESS est un frein à sa lisibilité. Entre la petite association de quartier, et la grande banque coopérative, il n’est pas aisé d’expliquer les points communs. Mais ils sont pourtant réels. C’est une vision de l’économie qui s’efforce de mettre au cœur de son modèle l’utilité sociale de la production, l’insertion de personnes éloignées de l’emploi, et l’instauration d’une gouvernance interne collective et démocratique.
Par ailleurs, il est frappant de constater à quel point ESS et économie circulaire sont de plus en plus intrinsèquement mêlées. L’économie circulaire, concept apparu bien plus récemment que celui d’ESS, a vu pourtant sa notoriété exploser avec l’accélération de la crise écologique, et aujourd’hui, quasiment tous les acteurs économiques, y compris dans le secteur lucratif classique, revendiquent de mettre en place des démarches de production et consommation circulaires, c’est-à-dire intégrant des logiques de réduction des déchets, de recyclage, de réemploi ou de réparation. C’est d’ailleurs devenu un enjeu central en termes d’innovation, de marketing et de publicité, pour le meilleur…et parfois pour le pire. Quoi qu’il en soit, les acteurs de l’ESS se sont largement emparés des enjeux de l’économie circulaire, en la plaçant au cœur de leur activité. Finalement, quoi de plus logique de la part de structures qui se sont construites autour de la question de l’impact positif de leur activité sur le monde ?
L’ambition d’essaimer
A l’échelle de la ville capitale qu’est Paris, ce mouvement mêlant ESS et économie circulaire est fort. Il se mesure par exemple à la multiplicité des projets entrepreneuriaux en la matière, à la création d’offres de formation toujours plus nombreuses, à la popularité des produits labellisés « made in Paris ». Mon objectif, en tant qu’élu ayant la charge de ces sujets, est de contribuer à accélérer ce mouvement, en impulsant des dynamiques de filières, dans le textile, le numérique, la logistique, le bâtiment, les alternatives aux emballages jetables notamment. L’objectif aussi d’organiser en 2024 des Jeux Olympiques et Paralympiques exemplaires tant au plan social qu’environnemental, fait également partie de ma feuille de route.
Ce défi de construire une économie plus durable et respectueuse du vivant est passionnant à relever. Les acteurs économiques ont évidemment un rôle central à y jouer. Et l’ESS, qui y prend déjà toute sa part, a vocation à être sur le devant de la scène. Elle ne prétend pas évidemment à l’hégémonie, dans un tissu économique qui doit rester pluriel. Mais elle porte légitimement l’ambition de changer d’échelle, d’essaimer. Légitimité d’autant plus forte, qu’au fond, c’est ce que souhaitent les françaises et les français.