Hier soir l’Assemblée Nationale a adopté la loi immigration qui enflamme le débat public depuis plusieurs semaines. C’est grâce aux voix du parti Les Républicains, et surtout, du Rassemblement National, qu’une majorité a pu être trouvée dans l’Hémicycle. Marine Le Pen se félicitant à cette occasion d’une « victoire idéologique » pour son parti.
Cette loi est une honte pour la France, patrie de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dans le texte fondateur de sa République en 1789, gravait que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Avec la loi immigration votée hier, l’automaticité de l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers est supprimée. C’est donc une remise en question du droit du sol, fondement d’une conception politique de la Nation reposant sur l’adhésion à des valeurs communes, en opposition aux conceptions de peuples se définissant d’abord de manière ethnocentrée, par les droits du sang.
La victoire idéologique de l’extrême-droite ne se matérialise pas uniquement dans cette mesure sur l’acquisition de la nationalité. Elle se traduit également dans la restriction des prestations sociales aux étrangers en situation régulière (aides au logement et prestations familiales), alors que ces aides doivent relever de l’urgence sociale et non de telle ou telle nationalité. Dans la remise en cause de l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence, alors que chaque être humain à la rue devrait pouvoir dormir sous un toit, même en attente du résultat d’une procédure d’octroi de titre de séjour. Dans l’imposition aux étudiants étrangers d’un système de cautionnement, alors que ceux-ci participent du rayonnement scientifique et culturel de la France. Sans parler de la remise en cause de l’Aide Médicale d’Etat, pourtant indispensable pour éviter la propagation d’épidémies, puisque les microbes ne sélectionnent pas les organismes en fonction de leur nationalité pour se propager au plus grand nombre.
Cette loi répressive fait par ailleurs l’impasse sur la régularisation indispensable de tous les travailleurs sans-papiers qui aujourd’hui contribuent à faire tourner l’économie française. Quelle profonde injustice que de laisser dans la précarité celles et ceux dont l’activité est indispensable à nos vies quotidiennes.
Le camp des opposants à cette loi n’est pour autant pas exempt de tout reproche. Quel est son contre-projet ? Comment la gauche et les écologistes comptent-ils répondre aux demandes d’une majorité de françaises et français qui sont inquiets de mouvements migratoires qui leur semblent incontrôlables, et qui réclament à raison que celles et ceux qui arrivent sur notre sol s’intègrent en respectant les valeurs de la République ?
Du côté des migrations politiques, la France doit évidemment demeurer à la hauteur de ses engagements internationaux, en accueillant à bras ouverts celles et ceux qui fuient les persécutions, à savoir les réfugiés, dont les procédures de demande d’asile doivent être facilitées et accélérées. Du côté des migrations économiques futures, si notre démographie déclinante rendra de plus en plus croissant notre besoin d’une main d’oeuvre étrangère désireuse de nous rejoindre, il faudra préciser la façon dont celle-ci sera ciblée, en fonction des secteurs de l’économie où des emplois, et donc des capacités d’intégration, sont disponibles. Dire aussi comment en termes de logements et de services publics, nous serons en capacité de proposer un haut niveau d’accueil. Cette exigence n’est d’ailleurs pas uniquement du ressort de la France, elle est aussi du ressort de l’Europe. Enfin, il va sans dire qu’une mondialisation plus juste, sans exploitation des pays du Sud, demeure la meilleure, et la première des réponses, à l’expansion des migrations de celles et ceux, damnés de la Terre, qui fuient la misère pour une vie meilleure, aspiration fondamentale de la condition humaine.
Face à la vague brune du Rassemblement National que le pouvoir en place ne cesse plus ou moins volontairement de faire monter, il ne suffira pas de dénoncer, pour convaincre une majorité de françaises et de français, notamment au sein des classes populaires, qui sont les catégories de la population les plus exposées aux fractures de notre pays. Il faudra proposer.