Entretien pour résilience commune : l’union des écolos et de la gauche est indispensable pour 2022

Florentin Letissier, vous êtes actuellement Maire-adjoint à l’Economie Sociale et Solidaire à Paris, militant à EELV ; pourriez-vous retracer votre parcours politique jusqu’ici ?

J’ai toujours adoré la politique, depuis que je suis enfant, j’ai toujours aimé l’engagement. Dans ma commune de St Sébastien sur Loire j’étais au conseil municipal des enfants, j’étais alors en CM2. J’ai toujours aimé m’impliquer dans des projets concrets. Gamin, je regardais déjà les questions au gouvernement. Pourtant mes parents ne sont pas encartés. Je viens d’une famille d’enseignants de gauche. Mais c’est quelque chose que j’ai en moi depuis longtemps.

Je me suis politisé plus fortement lors de mes études supérieures, lors de la loi sur l’autonomie des universités notamment. J’étais à Sciences Po Bordeaux et il y avait alors des blocages sur le campus. J’étais un étudiant de gauche engagé notamment dans le syndicalisme étudiant. Déjà à cette époque, ce que je n’aimais pas c’était le sectarisme, je l’ai retrouvé très tôt dans les mouvements de jeunesse. Cette idée qu’il y a une ligne et qu’il faut répéter ça en boucle. J’ai toujours eu un problème avec ces fonctionnements trop sectaires, trop dogmatiques.

C’est en préparant mes concours pour devenir professeur que j’ai eu un déclic sur l’écologie. J’ai beaucoup lu Alain Lipietz et des ouvrages du courant de l’école de la régulation. Lipietz est un grand économiste de la régulation, mais qui apporte aussi la dimension écologique : le fait de penser économie et écologie ensemble, dans le cadre d’un système cohérent et alternatif. J’ai donc passé mon concours, j’ai fait un an de stage en Poitou Charentes et je suis arrivé à Paris pour mon premier poste dans l’Essonne. J’adhère alors à EELV où milite dans le groupe local du 14ème, je travaille deux trois sujets, notamment celui de l’écoquartier de St Vincent de Paul qui deviendra par la suite les Grands Voisins.

En 2014, il y a eu les municipales, je voulais être sur la liste, j’ai très tôt voulu être élu et je l’assume. Beaucoup d’écologistes ont une fibre très associative ; je considère que les associations sont fondamentales mais ça n’est pas là que je me sens à la place. J’aime bien le fait que, en militant dans un parti, il faut être à 360° sur tous les sujets, produire de la doctrine mais aussi être très concret et opérationnel. Je me retrouve en deuxième position sur la liste, et je suis donc élu adjoint à la mairie du 14ème. Je n’aurais jamais imaginé être élu à Paris, mais le concours de circonstances m’a mené là. En 2020 c’est assez naturellement que j’ai mené la liste dans le 14èmearrondissement, et que de fil en aiguille je me suis retrouvé adjoint en mairie centrale sur les questions d’ESS qui figuraient déjà dans mon portefeuille lorsque j’étais adjoint dans le 14ème.

Voilà pour les moments importants. Mais j’ai toujours tenu à avoir une activité professionnelle indépendante de la politique, je ne voulais pas dépendre de la politique pour vivre, pour rester libre. Bien que ça ne soit pas toujours facile de trouver une activité professionnelle compatible avec un engagement politique fort.

Actuellement en tant qu’adjoint, vous avez une délégation sur l’ESS. Comment l’ESS peut être pensé à la fois à l’échelle locale et nationale ?

C’est beaucoup une question de compétence. La compétence économique n’est pas très présente à l’échelle municipale. Le département s’occupe du RSA, de certains dispositifs d’insertion par l’activité économique…Paris est une collectivité à statut particulier, ville et département à la fois, donc nous avons accès à des outils d’insertion par l’activité économique par exemple. On n’a pas du tout cela au niveau de l’arrondissement.Il faut aussi dialoguer avec la région qui a des compétences sur beaucoup d’aides économiques, même si ça n’est pas toujours facile lorsque la région est d’un autre bord politique. Néanmoins nous avons conclu une convention cadre avec la région qui nous permet d’avoir plus de liberté, d’aller plus loin dans les actions liées à l’ESS.

Au niveau de l’Etat, c’est les grands moyens, il y a les budgets des ministères qu’il faut aller chercher sur des appels à projet, au niveau de l’ADEME par exemple. Il ne faut pas se laisser enfermer par ses compétences locales, ne pas hésiter à faire du plaidoyer, y compris sur le plan législatif, pour demander des évolutions. C’est très important. Lorsque je rencontre Olivia Grégoire, secrétaire d’Etat en charge de l’ESS, par exemple, je lui parle également de fiscalité, de décentralisation. Il faut aller chercher de l’argent pour les acteurs économiques, où nous le pouvons, donc aussi au niveau de l’Etat et cela sans tergiverser sur le fait qu’il s’agit d’un gouvernement LREM ou autre.

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Réinventer la planification : locale, écologique et solidaire. Notre chemin pour Paris.

Durant soixante ans, de 1946 à 2006, le commissariat général au Plan fut au cœur de l’élaboration de la planification à la française. Elle ne peut évidemment se confondre avec les planifications de type soviétique, qui se caractérisent, des versions les plus totalitaires aux tentatives de réformes comme celle portée par Oskar Lange, par la toute-puissance d’un Etat chargé de déterminer les quantités de production et les prix, hors de tout mécanisme réel de marché où offre et demande peuvent se rencontrer librement.

La planification à la française, celle de Jean Monnet qui fut le premier commissaire au Plan à partir de 1945, est indicative et incitative, et consiste en une étroite coordination entre administrations publiques et grandes entreprises privées, autour d’objectifs de production dans des secteurs jugés stratégiques. Entre 1946 et 1992, ce sont dix plans qui se sont succedés dans des domaines variés tels que l’énergie, l’agriculture, les transports, l’industrie, l’aménagement du territoire…

Les plans ont contribué à transformer profondément le tissu économique français, pour le meilleur (développement du transport ferroviaire, par exemple) comme pour le pire avec le déploiement du nucléaire devenu progressivement énergie hégémonique, nous compliquant largement la tâche pour aujourd’hui en sortir. Ils ont en tout cas donné des directions claires, guidant l’économie nationale, créant des emplois, des formations, des infrastructures. Les multiples crises que nous traversons aujourd’hui appellent à reprendre des logiques de planification et à les inscrire au coeur des dispositifs de relance, pour aller clairement et de manière ordonnée vers un modèle de développement qui concilie la nécessité de créer des millions d’emplois, tout en luttant contre le dérèglement climatique. Le plan, c’est aussi le retour en force de l’intervention publique et de la régulation des marchés, à l’heure où le néolibéralisme achève de nous montrer ses effets néfastes. Il ne peut se résumer à des actes symboliques, tel la remise sur pied par l’actuel gouvernement d’un Haut-commissaire au plan, sans véritable vision stratégique ni moyens pour agir. Il doit enclencher des transformations structurelles de notre économie. La planification du 21e siècle doit être avant tout locale, écologique et solidaire. C’est mon ambition pour Paris.

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Mon point de vue dans La Tribune : Pour sortir du plastique à usage unique, développons la filière de la consigne

Un article à retrouver aussi sur le site de la Tribune : l’alternative consigne

Depuis les années 1950, le plastique a envahi nos villes et nos océans. À l’origine conçu pour nous simplifier la vie, il est devenu en quelques décennies une véritable menace. À mesure que sa production a explosé, passant de 2 millions de tonnes par an en 1950 à 400 millions de tonnes aujourd’hui, il devient de plus en plus menaçant pour l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, et les écosystèmes dont nous dépendons.

Il faut désormais recentrer notre utilisation du plastique sur ce qui est essentiel : emballages de produits médicaux, composants informatiques, matériaux supports des technologies d’énergie renouvelable, objets usuels par exemple. A Paris, cette transition s’esquisse depuis plusieurs années, et le nombre d’entrepreneur.euse.s qui développent de nouvelles initiatives pour réduire la consommation de plastique à usage unique se développe fortement. Parmi ces initiatives, le développement de la consigne pour le réemploi des emballages est déterminant.

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Présentation de ma feuille de route dans le magazine Challenges

Par Esther Attias, le 12.12.2020. Article à retrouver aussi sur le site de Challenges : Comment Paris veut mettre l’ESS au coeur de l’espace urbain

EXCLUSIF – L’adjoint à l’économie sociale et solidaire (ESS) de la Ville de Paris, Florentin Letissier, dévoile pour Challenges sa feuille de route jusqu’en 2026. L’urgence du Covid-19 aura permis à ce professeur d’économie encarté chez les Verts d’obtenir une plus grosse enveloppe, pour soutenir un secteur particulièrement touché par la pandémie.

Son agréable bureau au quatrième étage de l’Hôtel de Ville contraste avec le sombre rez-de-chaussée du 11e ayant fait office de QG des Verts pendant la campagne municipale. Florentin Letissier, un des quatre « écolos » à faire partie de l’équipe rapprochée des adjoints de la maire de Paris, Anne Hidalgo, ne s’est pourtant pas laissé démonter par les ors de l’imposant édifice. Il s’est approprié sa délégation – l’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire et le zéro déchet – avec enthousiasme. « Tous les acteurs que j’ai rencontrés, des grandes entreprises du CAC 40 aux associations et coopératives, sont partants pour travailler ensemble au développement d’une nouvelle économie, » confie-t-il avec entrain. 

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Assassinat de Samuel Paty : trouver des réponses à hauteur de ce traumatisme collectif

J’ai entendu hier le ministre de l’intérieur fustiger « les rayons de supermarchés communautaires » (halal ou casher donc j’imagine ?), et le ministre de l’éducation nationale « les ravages de l’islamo-gauchisme à l’université ». Franchement, n’ont-ils pas autre chose à dire dans la période, et surtout n’ont-ils pas des mesures à proposer, eux qui sont au pouvoir ?  

Il ne faudrait pas que l’acte terroriste dont a été victime Samuel Paty conduise, volontairement ou pas, à tout mélanger, et se traduise notamment par le fait d’assimiler la nécessaire condamnation des discriminations que subissent un certain nombre de personnes musulmanes en France à un soutien à l’islam radical ! Cela paraît évident à dire, mais la période est si compliquée qu’il vaut mieux rappeler les principes les plus simples.

Un enseignant a été assassiné par un terroriste islamiste il y a quelques jours et nous sommes si nombreuses et nombreux à avoir été plongés dans l’effroi et à avoir besoin de trouver des réponses fortes. Nous voulons que l’école reste le haut lieu de la connaissance et de l’apprentissage de l’esprit critique. C’était l’idéal de Samuel Paty. Nous sommes attachés à la liberté de conscience et donc de croyance qui, ça tombe bien, est garantie par le principe de laïcité, puisque l’Etat s’applique un principe de neutralité et ne reconnaît aucun culte plus qu’un autre. Et dans notre grande majorité, nous refusons que telle ou telle religion remette en cause notre liberté de penser et d’agir.  

Alors quels sont les enjeux qui sont face à nous pour éviter qu’une telle abomination comme celle de Conflans se reproduise ? Voici modestement à mes yeux quelques pistes d’action.   L’enjeu c’est d’améliorer le renseignement intérieur et de mieux doter les services de police pour stopper les islamistes avant qu’ils ne passent à l’acte. Car l’assassin de Samuel Paty avait fait l’objet de signalements avant qu’il ne perpétue son acte abominable. L’enjeu c’est de renforcer les moyens dans les écoles où les conditions d’enseignement sont difficiles, et que les enseignants soient soutenus à la fois par leur hiérarchie et par les parents de leurs élèves, notamment quand il y a des incidents dans les classes. Soutiens dont Samuel Paty a, semble-t-il, beaucoup manqué. L’enjeu c’est de lutter contre l’exclusion sociale et le communautarisme dans certains quartiers, en agissant pour favoriser la mixité sociale et en mettant en œuvre de vraies politiques de création d’emplois. C’est de proposer davantage de temps hors de l’école où les enfants peuvent côtoyer des enfants d’autres milieux qu’eux, et où ils peuvent avoir des moments de réflexion, de culture, d’expression, autour des principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité.  

En disant tout cela on dit aussi qu’on ne peut pas tout attendre des enseignant.e.s. Que l’école est le reflet de la société, avec ses forces et ses cassures. Et que cette société nous en faisons toutes et tous partie, avec chacune et chacun notre rôle à jouer.

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